Chapitre 23:
C’est telle une tornade que David interrompit la répétition matinale du groupe, faisant voler textes et partitions à travers la pièce, sous le regard courroucé et à la fois interrogateur de Bill.
« Non, mais ça va ou quoi, ronchonna Bill. -Oh oui ! On ne peut mieux, exulta David. -Au point de mettre le bazar ? -Quelle importance, j’ai une grande nouvelle, une chance unique et qui ne se reproduira probablement pas de si tôt ! »
Les quatre garçons intrigués font cercle autour de leur manager, avides d’en savoir plus. Gustav, envieux d’être informé plus vite que les trois autres se lève sur la pointe des pieds pour observer la paperasse par-dessus l’épaule de David. Malheureusement, ce dernier commence impatiemment son discours, rythmé de gestes enthousiastes.
« Le professeur Shanti, le célèbre spécialiste, a mis au point une nouvelle technique qui permet par une opération très peu invasive de réparer et fortifier les cordes vocales des chanteurs de façon définitive. Peu importe les sollicitations futures, plus de risques de kystes ou de perte de voix, c’est le summum en matière de microchirurgie. Ce professeur a réalisé cette délicate opération trois fois, elle est encore considérée comme expérimentale, bien que parfaitement au point. Il ne la pratique que dans certaines circonstances bien particulières : pour illustrer certaines conférences réservées à l’élite de la microchirurgie. L’une de ses conférences va avoir lieu à Houston après demain, nous avons usé de toute nos relations pour que ce soit toi Bill, qui serve de cobaye…enfin façon de parler … fini les problèmes de voix pour toujours ! »
C’est un torrent d’exclamations de joie qui accueille cette bonne nouvelle, tous sont soulagés de savoir que Bill va être guéri, lui le premier. Les yeux pleins d’étincelles, il s’apprête à enlacer son manager qui le repousse amicalement avant de poursuivre:
« Tout est organisé, vous vous préparez tous pour le vol de 20 heures ce soir direction Houston. L’opération aura lieu après demain 10 heures, Bill restera en clinique trois jours, pendant que vous ferez un peu de tourisme, cela vous changera les idées et évitera que vous ne tourniez en rond à vous inquiéter et à m’appeler toutes les cinq minutes pour prendre de ses nouvelles, expliqua David tout en lançant un léger regard en coin à Tom. - Mais, je … -Tu crois que je ne te vois pas venir, je te connais, tu vas tellement stresser pour Bill, que tu vas nous empoisonner la vie. -Moi, mais … -Je sais, tu n’aimes pas l’avion, mais c’est pour ton frère ! - C’est bon, c’est bon, soupira Tom. »
Bill lança un regard reconnaissant à son jumeau, qui de son côté se contenta de le gratifier d’un sourire crispé.
L’après-midi passa en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, tant ils étaient occupés à préparer leurs valises, prévenir leurs familles, retrouver le passeport de Tom échoué, on ne sait pourquoi sous un monceau de casquettes, houspiller Bill qui, planté devant ses armoires, n’arrive pas à se décider sur le choix des vêtements à emporter. Ce joyeux tourbillon est interrompu par Saki, qui leur annonce que le van les attend et que dans quinze minutes, ils doivent partir pour ne pas manquer l’avion.
Arrivés à l’aéroport d’Hambourg, Saki les abandonne dans la salle d’attente VIP, tandis qu’il procède à l’enregistrement de leurs bagages. Les quatre jeunes devisent gaiement, sans réaliser le moins du monde que leur destin va être scellé dans moins d’une heure.
Non loin d’eux, un garçon d’une dizaine d’années et sa maman attendent l’embarquement. La mère est plongée dans un magazine, tandis que son fils, une bande dessinée sur les genoux, laisser errer son regard dans la salle d’attente, trop excité par l’idée du voyage pour lire tranquille. Soudain les yeux du garçonnet s’écarquillent démesurément tandis qu’ils se posent sur le miroir derrière le bar momentanément déserté. Il fonce ensuite les sourcils, plisse les paupières, puis se frotte les yeux pour essayer d’effacer une éventuelle hallucination. Finalement convaincu de ses visions, il se tourne vers sa mère.
« Maman, maman, il y a une dame qui pleure dans le miroir ! -N’importe quoi, lui fit cette dernière sans même lever les yeux de son magazine. -Mais, maman … -Je crois que je vais dire à ton père de t’acheter moins de bandes dessinées, tu as déjà bien trop d’imagination. »
Quatre paires d’yeux se tournent alors vers le miroir, où le visage de Midona se dessine clairement, l’éclat de ses iris d’émeraude rendu brillant par les larmes qui dévalent son visage. C’est avec une infinie tristesse qu’elle les regarde, elle sait, mais eux savent-ils ?
Le chanteur commence à emmêler ses doigts en regardant la clarté opalescente. Lèvres pincées, il semble hésiter. De temps à autre, il jette un œil aux autres qui manifestement, sont aussi sceptiques que lui. Il se tourne à nouveau vers Midona. Il a compris, mais pourtant, il ne peut pas croire que ce soit une opportunité pareille qui s’envole sous ses yeux.
Les autres, quant à eux, sont tous en train de se dévisager en se demandant si quelque part, ils ne pourraient pas se comprendre. Ils sentent bien que quelque chose cloche, mais l’hésitation les arrête: ils croient tous détenir la clé d’un mystère qui ne s’est offert qu’à leurs yeux. Finalement, Bill rompt le silence, devenu pesant :
« Alors, c’est ça auquel je dois renoncer : à mon avenir ! -Tu la connais, fit Tom, abasourdi. -Bien sûr, c’est Midona ! -Tu la connais d’où ? -Elle me parle dans les miroirs, chuchota Bill, fort gêné par cet aveu. -Et à toi aussi, elle a prédit des trucs ? -Oui, enfin si on veut … -Nous aussi on lui à parlé, avouèrent en cœur Georg et Gus. -Elle nous a mis en garde, mais sur le moment on n’a pas compris… »
Ils se questionnèrent un peu du regard. Tous savaient ce qu’ils devaient faire mais aucun n’osait prendre la décision tant ils connaissaient l’irascibilité de leur manager.
« On devrait renoncer et renter au studio et peu importe ma voix, finit par lancer Bill. -Tu sais que ta voix c’est ta vie, c’est important ! -Je sais, mais je crois, enfin je suis sûr que si Midona s’est montrée en public, c’est que c’est grave, très grave : on rentre. »
Georg et Gustav se dévisagent en approuvant: même si elle paraît folle, cette décision est la plus sage ! Tom se lève et rejoint Saki pour lui faire part de leur décision commune. Ce dernier ne comprend rien aux explications fort confuses de Tom et refuse carrément de les ramener au studio, du moins pas sans que David ait donné son feu vert. Celui-ci refuse tout de go et enjoint Saki de faire patienter les garçons, il est hors de question de fiche en l’air tout ce qu’il a eu tant de mal à organiser.
C’est un David furibond qui déboule dix minutes plus tard dans la salle d’attente.
« C’est quoi ce bordel, on fait des caprices, maintenant ! -Non, mais… -Pas de mais Bill ! Tu sais ce que cela m’a coûté de t’organiser ce rendez-vous ? -Euh non ! -Déjà un, beaucoup de temps et surtout 280 000 dollars ! -C’est …cher ! -Tu crois quoi, que l’un des plus grands professeurs au monde opère gratuitement ? -Non, mais là c’est…indécent ! -L’indécence, ce n’est pas tant le prix de l’opération, que ton refus de la faire. -Ce n’est pas ça, je ne veux pas aller à Houston, j’ai un mauvais pressentiment ! -C’est nouveau ça, je pensais que c’était Tom qui avait peur en avion ! -Je n‘ai pas peur, je sais juste que je ne dois pas monter dans cet appareil. -Tu as peur ! -Je sais juste que le moment est mal choisi ! -Tu ne risques absolument rien ! -Si perdre ma voix pour toujours, ce n’est rien…………»
David lève les yeux au ciel, face à un Bill, bras croisés, bien décidé à ne pas céder.
« Et vous alors, dites quelque chose, houspilla-t-il à l’intention des trois autres. -Nous on reste ici, répondirent-ils d’une même voix. -Je vois, vous n’en démordrez pas ! -Non ! -Saki, allez récupérer les bagages, ensuite on rentre, soupira David»
Les garçons échangent un regard en arrière qui passe presque inaperçu, mais qui leur permet d’apaiser leurs craintes: Midona a quitté le miroir… Saki parti, ils restent tous les cinq dans la salle d’attente vide, les autres passagers ont déjà embarqué, l’avion ne va pas tarder à décoller. Personne n’ose rompre un silence devenu pesant. David est furieux, les garçons dubitatifs, ils pensent avoir bien agi et voudraient en débattre, mais pas question de parler des apparitions devant David. C’est donc à coups de regards discrètement échangés qu’ils se réconfortent les uns les autres, car ce n’est pas facile de subir leur manager en rogne.
Un coup de tonnerre monstrueux retentit, faisant trembler les vitres blindées de l’aéroport qui finissent par se briser et voler en éclat sur le carrelage lisse. Un tumulte se fait entendre du côté du personnel, inquiété par cette manifestation anormale, jamais le vitrage ne réagirait ainsi durant un simple orage. Les plus curieux et courageux s’approchent, impatients de voir ce qui se passe au dehors, pendant que les plus peureux masquent leurs oreilles de leurs mains pour ne pas avoir à découvrir les dégâts autour d‘eux. Sous leurs yeux épouvantés, une boule de feu envahit l’horizon, éclairant l’aéroport comme en plein jour…
La voix d’une hôtesse, rendue tremblante par la terrible annonce qu’elle s’apprête à faire, retentit faiblement dans l’agitation de l’aéroport, causée par la catastrophe :
« Mesdame, messieurs, le vol Hambourg-Houston vient d’exploser en plein vol, les causes en sont encore inconnues… »
Quelques mètres plus loin, au-delà d’un miroir, une jeune femme sourit en regardant ses idoles, qui viennent de comprendre la raison de ces étranges visites: ils n‘auraient jamais survécu à un accident pareil sans ces prédictions mystérieuses, et pourtant bienveillantes.
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De nos rêves naissent et meurent des mondes fantastiques. La vie, l'amour, la mort se côtoient dans un semblant de réalité, Dont seule notre imagination en fixe les limites. Vivre pour rêver, rêver pour vivre.....Fanfic - Website - Forum - Myspace - Facebook - Instagram - Twitter - Teaming
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