Chapitre 7 :
Déjà, il verse une larme qui s’écrase sur le parquet bien ciré : une larme de sang.
Un sifflement fend l’air et frappe de plein fouet le dos du bel homme. Il exhale sa souffrance dans un hurlement si puissant qu’il en devient inaudible.
Fière, j’éloigne le flagelle au bout duquel s’accroche une perle de sang qui s’est détachée de sa chair. Un deuxième coup part, plus puissant, plus violent, plus douloureux. Le contact si bref entre le fouet et la peau de l’Etranger lui arrache un autre cri déchirant.
Un troisième ! Cette fois, il n’a pas pu laisser échapper le moindre son.
Il s’écroule et se retrouve au sol. Son corps épouse la forme du parquet, ses lèvres embrassent le bois qu’il mouille de mille et une larmes. Les plaies infligées à son dos lui font mal, si mal qu’il en a du mal à respirer. A chaque inspiration, sa peau prend la forme de ses os, tant il est maigre. Sa cage thoracique semble juste recouverte d’un drap de soie, laissant apparaître tout le relief de ses côtes.
L’Etranger souffre…
++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
J’ai mal, je souffre, je crache du sang. Et pourtant, ma blessure physique n’est pas la plus profonde.
Je mords la poussière, j’ai envie de réagir, mais je ne sais pas comment.
Yasmina a révélé son côté de tigresse, et je n’ose pas bouger devant son irritation ; Elle ne frappe plus, mais son souffle n’en est pas moins haineux.
Peut-être que lui avouer clairement mes propos lui montrerait que je ne dis pas ça pour me moquer d’elle, mais simplement parce que c’est la pure et simple vérité.
J’attrape les pieds de Yasmina, et avant de laisser les larmes les laver, je les embrasse en lui demandant pitié. Assez de pitié pour qu’elle accepte de m’écouter…
« Maîtresse, je ne voulais pas vous irriter, mais j’ignore mon nom, tout comme j’ignore tout de mon passé avant mon réveil dans ce palais. Ayez pitié, aidez-moi ! »
Mes paroles la faisaient apparemment réfléchir, car ses yeux s’attendrissaient.
« Etranger, comment peux-tu affirmer ne rien connaître de ton passé ? -Je vous jure que c’est la vérité ! -Etranger, n’as tu vraiment aucun souvenir ? -Non… Aucun ! »
Ses sourcils se froncèrent. Sûrement parce qu’il est simplement inimaginable que quelqu’un puisse avoir oublié tout de son histoire. Elle réfléchit, s’évada dans ses pensées…
« Comment puis-je t’aider ? » Cette réflexion me toucha énormément ! Sans hésiter, je serrai ma tête contre ses genoux pour la supplier.
« Maîtresse, donnez-moi un nom, n’importe lequel pour autant qu’il vous plaise ! Ainsi, je pourrai repartir pour une nouvelle vie ! -Soit, qu’il en soit ainsi, Alcibiade ! »
La première impression que me fis ce prénom était qu’il était compliqué, mais qu’il me plaisait vraiment !
Alcibiade ! Il faisait à la fois prénom oriental, mais aussi prénom doté d’un sacré caractère…
« Est-ce que ce prénom vous plait ? -Oui ! -Et bien tant mieux, qu’il en soit ainsi mon ami, désormais, nous vous appèlerons Alcibiade ! »
Je me relevai et remerciai Yasmina d’un signe de tête profondément respectueux. Je m’apprêtais à disposer de ma Maîtresse lorsqu’elle m’interpella à nouveau :
« Qu’est-ce que cela vous fait d’avoir à nouveau un nom ? -L’effet que j’attendais : je sens que je pourrai me démarquer de mon passé et voir de l’avant au lieu de me lamenter ! »
Je quittai Yasmina dans l’intention de retourner dans ma chambre. Au passage, j’examinai quelques œuvres d’art. Beaucoup d’entre elles étaient d’origine Grecque, plus précisément de l’art hellénistique. La finesse et le dynamisme des statuettes les rendaient presque vivantes.
En analysant le titre d’une œuvre plus ancienne, j’écarquillai les yeux pour relire une deuxième fois : « Buste D’Alcibiade, 5è siècle ACN, copie Romaine d’un original Grec. »
Je regardai le visage du prétendu Alcibiade, et remarquai que j’avais une ressemblance avec lui. Ainsi donc, j’avais le nom d’un personnage célèbre ?
C’est alors qu’un bruit de pas se rapprocha de moi… C’était Yasmina.
« Savez-vous, au juste, qui était Alcibiade ? »
Intrigué, je répondis que non, que je n’en avais jamais entendu parler.
« Alcibiade était un personnage fascinant. Son nom est non seulement d’une grande beauté, mais il rappelle aussi le côté mythique et romanesque de l’homme qu’il était.
Alcibiade était un politicien et stratège grec qui a énormément marqué son ère par ses actes effroyables. Il était reconnu comme le plus beau et le plus charismatique des Athéniens de son époque. Convoité de tous, il a eu de nombreuses expériences sentimentales très diversifiées. A cause de sa beauté, on en oubliait sa malhonnêteté. Pour lui, les valeurs de l’amitié et du patriotisme n’avaient aucune valeur. Il a trahit de nombreuses fois ses amis les plus proches, mais a toujours réussit à se faire admirer par eux.
C’était un manipulateur ambitieux et égocentrique, sans scrupules.
Mais bref, si vous voulez vous renseigner sur ce personnage, il y a des bibliothèques ! J’espère juste que vous saurez assumer ce nom ! »
Un sourire moqueur traça le contour de ses lèvres.
« Non, Alcibiade n’était pas un type bien, mais tout comme les gens des son époque, il me fascine moi aussi ! Croyez-moi, c’est un véritable défi que de porter son prénom ! Ma fois, vous serez peut-être à la hauteur, qui sait ! »
Son discours manqua de me faire changer d’avis. Puis je me résignai à accepter ce défi :
Si cet Alcibiade était si fascinant qu’elle le prétendait, alors, j’espérais le devenir au moins autant !
_________________
On a tous quelque chose à cacher... Enfants, adultes, célébrités, il y a toujours une facette de nous que nous refusons de dévoiler... Quelle est la leur?
|